50km, 3500m D+
Avec la naissance de Bérénice, les nuits sont, comme prévu, hachées par les tétées, Ariane en rajoutant régulièrement une couche. La fatigue est donc omniprésente, et lever le pied au niveau des activités physiques a donc été nécessaire. Je n'ai donc participé à aucun trail depuis mi-Mai, gardant toutefois 3 entrainements par semaine.
Le creux de la vague a été atteint en Juillet, où, épuisé, j'ai par 2 fois été contraint de rebrousser chemin en pleine ascension du Môle. Mais maintenant, les nuits sont globalement un peu plus paisibles et la forme revient progressivement, en même temps que la fatigue s'atténue.
Je me suis donc inscrit à cette épreuve, que je qualifierai de difficile et conviviale.
Comble de malchance, je trouve le moyen de me tordre une cheville 2 semaines avant le jour J, stupidement, à l'échauffement, sur un chemin parfaitement carrossable !
L'entorse est bénigne, mais bien là...2 semaines sont un minimum pour un rétablissement satisfaisant. Je vais donc passer ce minimum de temps à récupérer, mais surtout je veille, par le biais d'exercices d'assouplissements quotidiens et de quelques entrainements légers en course à pied complétés par du vélo, à ce que la cheville reste souple.
Je suis donc au départ avec une cheville qui semble rétablie. Sera-t-elle assez forte pour tenir 50km de chemins de montagne ?
La dernière nuit étant primordiale, Julie m'a permis de dormir dans la chambre d'amis, et a assuré les réveils intempestifs des deux monstres.
Ma stratégie est simple. Etant donné la fatigue encore présente et une cheville incertaine, je partirai très lentement, pour me donner les chances d'aller tout simplement au bout. Je devrai gérer tout le long de l'épreuve. Tout objectif de performance serait présomptueux.
J'ai l'impression d'être comme un chasseur sur la banquise face à un ours polaire...avec une seule cartouche !
Top départ, l'ours charge !
Je ne m'affole pas et monte très nettement en dessous de mon rythme. Je passe la première difficulté au-moins en 35è position. La descente sur Praz-de-Lys se passe bien, la cheville tient le coup. J'ai quelques retenues mais les pieds sont dans l'ensemble assez agiles.
La partie suivante, jusqu'à Sommand pour clore la première boucle, est casse-pattes, et je commence à reprendre ceux qui sont clairement partis trop vite. Je ne m'arrête pas aux ravitaillements, enchaîne avec l'ascension suivante, puis une nouvelle descente roulante qui nous amène à un peu plus de la mi-course. Je suis remonté jusqu'à la 25è place.
Je prend un peu plus de risques dans la première partie de la montée sur le sommet de Chalune. L'ours est en joue.
La deuxième partie est raide et en aller-retour, je peux donc me rendre compte des écarts avec les coureurs me précédant. Je monte à un bon rythme, m'alimente bien à proximité du sommet, et décide de faire une descente plus risquée. C'est la plus longue du parcours (900m D-) donc il est possible de combler des écarts.
Le coup de feu est parti, j'espère ne pas avoir visé à côté.
Je fais une petite erreur de parcours qui me force à effectuer une traversée d'alpage formidable pour tester ma cheville et très utile pour perdre 2 ou 3 minutes !
J'ai tout de même repris plusieurs concurrents sur cette montée-descente de Chalune.
Restent 15 km, avec 3 montées et autant de descentes, plus courtes. Mon manque de condition va me faire marquer le pas, j'ai les articulations et les pieds qui commencent à me faire souffrir. Je rattrape un dernier concurrent, le lâche. Il revient sur moi au pied de l'avant dernière montée et nous restons ensemble, partageant nos impressions et nous confiant l'un à l'autre notre état de fatigue.
C'est là que la météo, clémente depuis le départ (à part un petit orage), va se déchaîner.
Un orage carabiné nous tombe dessus, nous sommes trempés en quelques secondes, des ruisseaux dévalent le chemin.
L'ours a bien été touché, mais il a poursuivi sa course...
Nous arrivons au dernier point de ravitaillement, de nouveau à Praz-de-Lys, il reste alors 6 km.
Quelques secondes de pause avec mon acolyte pour boire, et nous repartons, toujours sous l'orage.
"Au moins, l'eau n'est pas froide", lui dis-je en rigolant.
Je suis toujours en manches courtes, mais la pluie battante qui se change en grêle frappante 2 minutes après être repartis du ravitaillement me fait changer d'avis...
Nous nous abritons 5 bonnes minutes sous des sapins, je mets mon coupe-vent.
Cette pause m'ayant refroidi, mes articulations se sont réveillées et le redémarrage est difficile. Mon compère me lâche dans la descente. Avantage de courir dans des ruisseaux de grêle fondue, mes pieds sont à moitié insensibles et je ne crains plus mes ampoules !
Les éléments sont encore déchaînés, je sens le souffle de l'ours sur moi.
Je dois traverser un torrent...un gué normalement très simple...mais plus maintenant !!! Je le traverse en me servant des bâtons comme de perches, pas forcément très rassuré par ces gros bouillons boueux. Les cours d'eau grossissant encore, je me fais la réflexion que quelques minutes plus tard, la traversée aurait été impossible !!
Dans la dernière montée, je vois mon compagnon 1'30 devant moi. Il essaie de résister, mais j'ai flairé le gibier et il est fatigué, lui aussi.
Je le reprends au sommet, passe devant pour la descente finale, et reste une vingtaine de mètres devant lui jusqu'à l'arrivée, qu'il ne me dispute pas vraiment.
L'ours a fini par s'écrouler.
Je suis 20ème, en 7h28, et...avant-dernier classé, car nous apprenons que face à ces conditions météo, l'organisation a stoppé net tous les participants qui nous suivaient. A 2 minutes près, nous aurions été arrêtés au dernier point de ravitaillement. In extremis !
La gueule de l'ours s'est arrêtée au ras de mes chaussures ! Mais je l'ai eu !
Nicolas