18 Juillet 2020
Trail de l’Oisans – 86km, 4600m D+
1er trail post-confinement. En temps normal, cette épreuve,
jeune de 4 ans seulement, se faufile entre plusieurs mastodontes du trail
Isérois comme l’UT4M, le Grand Duc ou le trail des passerelles, tous annulés ou
reportés. Cette année, c’est donc vers cette épreuve que tous les regards sont
braqués.
Tous les regards parce que le dispositifs sanitaire – une première- est
un test qui va être observé un peu partout en France, et parce que sportivement
parlant, le plateau risque d’être particulièrement relevé et dense.
Nous sommes donc environ 400, à 0h00 ce samedi 18 Juillet, regroupés
par sas de 50 concurrents, à retrouver pour la première fois depuis début Mars un
dossard à accrocher, ainsi que le petit nœud à l’estomac qui fait le piment de
la compétition.
Comme avant, mais avec une désinfection des mains avant de rentrer dans
le sas, et un masque à ne retirer qu’une fois le départ donné. On a
l’impression d’être des pionniers.
D’un point de vue personnel et sportif, je suis en forme, j’ai perdu
quelques kilos, seules vont me manquer les heures de courses que je n’obtiens
que via les épreuves précédentes mais qui, par la force des choses, ont été
annulées les unes après les autres. J’espère que mes 2 ou 3 sorties de 3h
depuis Mars ne seront pas trop largement insuffisantes.
J’espère aussi que mon corps acceptera de débuter une très longue
journée à 0h, en se contentant de 3 siestes d’1h lors de la journée précédente.
Aurai-je assez de fraicheur ?
Top départ 0h01 ! J’ai prévu de boucler dans une tranche horaire
de 14-15h, dans les 20 premiers les années précédentes.
Je réussis pour une fois à ne pas me laisser embarquer dans un rythme
qui ne serait pas le mien sur une telle distance, laissant comme pressenti
filer de très nombreux concurrents lancés tels des morts de faim depuis l’Alpe
d’Huez vers les 16-17 premiers km au profil plutôt descendant.
Sensations correctes, les pieds sont agiles, mais, néanmoins, je trouve
qu’ils font trop de bruit au sol. Manque de souplesse, pas critique au début,
mai qui se révélera préjudiciable par la suite.
Au bout de 19 km, une longue ascension dans le massif des Grandes
Rousses, jusqu’aux alentours d’une altitude de 2200m environ au km25.
Puis un segment en dent de scie plutôt descendant sur 8km : un
petit coup de moins bien, mais qui passe à l’abord d’une descente raide, avant
de remonter sur le Col de Sarenne (1999m) atteint juste au lever du jour.
Puis une longue descente technique qui me permet de passer la mi-course
(km 43) en 6h pile… Excellent, sachant que la deuxième moitié est un peu plus
lente.
Remontée vers le ravitaillement du km45, avant une longue montée à
2400m sur le plateau d’Emparis. J’accuse un peu le coup, alors je monte
prudemment, mais arrivé au sommet au km 50, commence un passage qui va me
paraître diaboliquement long.
La vue est à couper le souffle, avec en face de moi la Meije et ses
glaciers, derrière moi le pic de l’Etendard, et à gauche les Aiguilles d’Arves.
En parlant de souffle, pour la première fois je ressens à ce point les
effets de l’Altitude, et malheureusement beaucoup de choses commencent à se
dérégler, à commencer par mes intestins, qui m’obligent à faire quelques
détours à l’abri des regards.
Je sens la défaillance arriver, je me mets en mode sauvegarde, sur un
rythme anormalement lent, sur une partie qui pourtant est assez roulante et l’une
des plus rapides du parcours.
J’ai prévu un petit cake au chocolat toutes les 45 minutes en moyenne,
ce que j’ai tenu depuis le départ…J’en ingurgite 3 en 5 minutes…et fais une
hypo 5 minutes après. Fourmillements dans les doigts, vertiges, je vais jusqu’à
tituber en butant dans les pierres à droite et à gauche du sentier.
Etonnant, j’ai pourtant l’impression d’en avoir encore sous le capot.
J’ai la lucidité de manger à nouveau 3 cakes, mais la défaillance perdure
encore.
Un bout de descente, courte mais technique, calamiteuse, absolument
subie. Mes genoux n’ont plus envie de faire plier mes jambes, et toutes les
articulations de mes pieds clament de concert leur exaspération de subir les
assauts du sol.
On arrive au km 60. Voila plus de 10km que je me traine, perdant un
temps absolument considérable, à vue de nez 45 minutes-1h, je titube et me sens
complètement désossé, tel un mordeur de « The Walking Dead » (pour
les connaisseurs)…Je ne sais pas comment je vais revenir…
Je suis très inquiet parce qu’il reste 27km, et notamment une longue
descente raide pour mener au km 67.
L’organisation nous a demandé quel prénom, nom ou sobriquet ajouter à
notre numéro de dossard. Prémonition ou pas j’ai fait ajouter
« Ikki », le nom du Chevalier de Bronze du Phénix (là c’est pour les
amateurs d’Ariane et Dorothée…).
Pour le bronze, c’est fait (désolé…)
Il me semble maintenant sentir quelques indices de meilleures
sensations sur les derniers hectomètres avant cette descente redoutée.
J’aborde cette partie arque-bouté sur mes bâtons, et reprends petit à
petit un rythme convenable, en pleine descente, alors même que je pensais
qu’elle scellerait mon sort…On ne va pas s’enflammer tout de suite, mais il
semblerait que je renaisse de mes cendres !!
Ravitaillement du km67, je fais une pause un peu plus longue, quelques
étirements, et reprends sur un rythme correct, que je vais réussir à maintenir
puis miraculeusement augmenter sur les 20 derniers kms, reprenant plusieurs
dizaines de concurrents et effectuant même ma meilleure ascension de la journée
en remontant sur l’Alpe d’Huez, à 2km de l’arrivée.
Avec en prime un sprint à 16-17km/h sur les 500 derniers mètres avec un
dernier concurrent rattrapé, mais que je ne peux passer, faute de plumes.
14h34 au final, objectif rempli, avec néanmoins un petit goût
d’inachevé au vu de la défaillance subie sur le plateau d’Emparis.
Bilan positif avec un bon renseignement quant à mon état de forme, et
une bonne leçon tirée : toujours s’accrocher tant que ce n’est pas fini,
on ne sait jamais !!
Nicolas