Samoens, 21 Juin 2015
65 km, 4600 m D+
Cette fois-ci, Vincent ne sera pas là, préférant aller faire un peu de trail avec l'armée au Tchad. Il va donc falloir que j'assure pour qu'il y ait un Jandard à l'arrivée.
Je sais que mon niveau physique actuel est bon, mais je sais aussi que ma forme du jour est fluctuante:
d'un entrainement sur l'autre je n'ai pas du tout les mêmes sensations, alternant souplesse et jambes lourdes. Julie a beau y mettre beaucoup du sien en me permettant de passer de nouveau quelques nuits complètes dans la chambre du bas, il n'y a pas assez de constance à moyen et long terme dans la récupération nocturne pour avoir une condition stable et optimale.
Compte tenu de la difficulté de cette épreuve (4600m de dénivelée positive et négative), si je suis dans un "bon" jour il me faudra beaucoup gérer, les fatigues accumulées les semaines passées ressortiront dans la deuxième moitié de course. Dans le cas contraire, ce sera l'horreur...
Du côté de la sérénité, on a vu mieux.
4h du mat', centre de Samoens. Le parrain de cette épreuve, la légende vivante du trail Dawa Sherpa, est présent à côté du sas de départ. Je suis admiratif envers ce fabuleux champion, qui a toujours brillé, par ses performances bien sûr, mais aussi par ses qualités humaines. Son humilité, entre autres, impose le respect. Il incarne à lui tout seul le trail et son état d'esprit. Il est le trail.
Beaucoup se seraint contentés d'être présents à l'arrivée, mais lui est ici, à 4h du mat', pour nous encourager quand nous passons près de lui.
Le speaker, entre temps nous a présenté les favoris et outsiders du jour, et force est de constater que le plateau est relevé. Ludovic Pommeret, Sébastien Spehler, tous deux membres de l'équipe de France de trail, Yann Curien, Olivier Morin, habitués des podiums et des victoires, Stéphane Deperraz, Daniel Biollaz, François Lachaux, etc, plus d'une dizaine de concurrents dont le niveau est clairement supérieur au mien, plus ceux qui n'ont pas été cités...Il y a du très beau monde ce matin devant le bistrot de la place du gros tilleul !!
4h30, départ !
Je suis parmi les premiers, et tout de suite je prends conscience que les sensations sont là : je reste sans problème, sans essoufflement, avec les 10 premiers, pendant le premier km de plat. Il y a du rebond, de la légèreté, de la souplesse...ouf, ce ne sera pas une journée galère complète.
La première ascension commence. C'est parti pour 700m de D+.
Je laisse partir, évidemment ! Le rythme est trop élevé pour moi, et ce n'est que le hors d'oeuvre : au menu, nous avons ensuite une descente de 700m D-, une nouvelle ascension de 700m, puis une autre de 1000m, puis une immense descente de 1400m, une ascension de 1100m, une descente de 1200m...plus deux ou trois broutilles par ci-par-là...
Alors je ralentis encore, quelques concurrents me doublent, mais j'ai malgré tout un rythme plus que correct. Je passe le sommet en 20è position.
La descente étant devenue un exercice dans lequel je me débrouille maintenant assez bien, je reprends quelques places...17è. Je descend en souplesse, me rassurant par la même occasion.
Le bas est tout de même un peu plus heurté, et je ressens déjà un échauffement sous le pied droit...
Un passage rocailleux avec échelles et cordes, une petite descente dans les bois, avant d'attaquer la deuxième ascension. Et là, je me sens moins bien. Pas très à l'aise, je ne m'affole pas et adopte un rythme plus lent. C'est un petit peu tôt pour un coup de mou. Je m'alimente et fais le dos rond. Quelques concurrents me doublent, à un rythme qui, malgré mon état du moment, me laisse perplexe.
Je passe le sommet en 22è position. Pour la deuxième fois, je ne m'arrête pas au ravitaillement.
Une descente courte, une montée de 200m, de nouveau une petite descente, puis un passage "piste de sanglier" en dévers, où nous nous retrouvons 5 ou 6 parce que le balisage semble avoir été enlevé. Nous sommes tous en plein doute, tellement la piste est peu nette. Aller-retour, nous sommes maintenant une bonne douzaine, avec autant de doutes. Ca commence à faire bien 10 minutes de perdues. Je prends mon téléphone et appelle l'organisation pendant que la plupart continue...Franchement je ne les comprends pas, ils préfèrent prendre le risque de se paumer en pleine cambrousse... Perso je ne cours pas le moindre risque de rajouter des kms, et après quelques explications au téléphone, je poursuis ma route.
Je suis au-delà de la 30è place, mais j'ai perdu combien par rapport aux autres ? 3 minutes ? Ca ne vallait vraiment pas le coup de risquer de se planter !
J'en reprends la plupart dans la descente qui suit, puis encore quelques-un dans le début de l'ascension de 1000m qui commence. Ravitaillement à mi-pente, cette fois-ci je m'arrête 1 minute pour remplir une de mes gourdes...et me faire encourager par Ludovic Pommeret (!!) qui vient d'abandonner. Un des deux favoris vient de jeter l'éponge (comme quoi, ça arrive aussi aux meilleurs).
La fin de l'ascension est très raide, droit dans la pente. Je gagne encore des places grâce à un style beaucoup plus axé sur la force que la souplesse: j'essaie de faire des pas plus longs, moins fréquents, les bâtons aidant à ne pas déraper. Comme quand on met du "braquet" en vélo...18è au sommet !
On est à mi-course (32km).
La descente qui suit est interminable: près de 11km, avec 1400m à descendre, quelques replats de-ci de-là. Je compte dessus pour gagner du temps, mais comme nous sommes maintenant plus espacés, il y a peu de places à gagner. Je commence à avoir bien mal aux pattes, et surtout, mes pieds me font souffrir et m'empêchent de descendre aussi vite que je le voudrais. Je ne traverse plus les ruisseaux en passant sur les cailloux mais en mettant bien les pieds dans l'eau pour refroidir tout ça...c'est sûrement un bien pour un mal, mais au-moins, à court terme ça soulage. Je reprends une place, puis une deuxième en arrivant tout en bas, au lac bleu à Morillon. 16è.
Nouvel arrêt express au ravitaillement, et c'est reparti pour 1100m D+, jusqu'au sommet de La Bourgeoise, au dessus du col de Jouplane. Mon acolyte du moment part devant...1100m c'est long.
Il a un coup de mou à mi-pente, je le re-double et l'encourage, lui conseillant de s'alimenter. Vu le masque de fatigue qu'il a sur le visage, je me dis qu'il va finir difficilement... et comme je n'ai pas envie de faire comme lui, je m'alimente aussi, tant que j'y suis.
D'ailleurs, il faut que je trouve autre chose à manger que ce miel qui m'écoeure trop rapidement, que mon estomac n'aime pas trop et que je restitue soudainement aux buissons et aux petits animaux du coin...
Sommet de la Bourgeoise...Toujours 16è.
J'y retrouve François Lachaux, qui n'est pas au mieux. Encore une pointure qui cale...Je décide de perdre quelques minutes pour remettre de la crème sous les pieds, car le profil est maintenant globalement descendant (-1200m), et s'il n'y a plus grand'chose à gagner, il y a à perdre...
Surtout que le sommet en aller-retour est l'occasion de me rendre compte qu'après mon arrêt, j'ai au-moins 7 ou 8 concurrents sur les talons, à 5-6 minutes.
Je compte sur ma façon de descendre pour compenser le fait que mes pieds sont vraiment très douloureux, et sur ma capacité à mettre encore un peu de braquet dans les 4 ou 5 remontées. C'est d'ailleurs ce qui se passe, puisque personne ne me reprendra jusqu'à l'arrivée. Je vais même récupérer un dernier concurrent qui lui, marche carrément en descente.
Il est temps que ça se termine, en tout cas la descente, qui m'est de plus en plus pénible. Pour les pieds d'abord, mais par voie de conséquence pour un de mes genoux aussi, maintenant.
Et l'alimentation qui ne passe plus me met en situation physique "précaire".
Ca y est, l'entrée de Samoens est là, il reste quelques dizaines de mètres pour rallier l'arrivée...que je crois être au même endroit que le départ, puisque la remise des prix est sensée y avoir lieu aussi...
Tiens, le balisage continue, il n'y a pas de ligne d'arrivée...et des gens à la terrasse du bistrot...pas vraiment dans une ambiance d'arrivée...
Bah, ça ne doit pas être bien loin, sûrement de l'autre côté du bistrot...
Ah non...
Encore un carrefour...une halle couverte...c'est là !...Non c'est toujours pas là...Aarrghhh
Ah ben là on a l'air de ressortir de Samoens...je suis parti sur un autre parcours ou quoi ??
Non, on m'encourage : "Allez, plus que 2 km !!"
Rognnnntudjjjjj...
Au moins, c'est plat et goudronné, ça ne fait pas trop mal aux pieds.
Je peux courir, et comme je ne sais pas où en est la concurrence derrière, je maintiens un un bon 13 à l'heure, même si c'est pénible pour mes poumons, mes jambes, mes bras, mon dos...pénible tout court en fait.
Ca y est ! la ligne d'arrivée ! Dans le parc à la sortie opposée de Samoens ! Yes !
14è !
Frais comme un gardon !!
Mouais...décomposé comme un vieux merlan pêché depuis 3 jours.
Et maintenant, il faut que je me coltine les 2 km dans l'autre sens, tout en démarche texane...tout là-bas, il y a ma voiture !
Nico
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