Bonjour à tous,
Samedi 30 Octobre, 82km, 3700m D+/D-. Et météo bien pourrite !
Je vais tuer le suspens, je viens clairement de remettre les
pendules à l’heure en prenant une belle revanche sur moi-même.
Il s’agit probablement de mon meilleur trail, le plus
constant, le plus abouti, et ce dans des conditions météorologiques difficiles,
voire dantesques sur les crêtes de la montagne de Lure.
Si ce n’est pas ma course idéale, c’en n’est pas loin.
Et pourtant la confiance n’était pas au beau fixe sur la
ligne de départ : je reste sur 1 course mitigée, et 1 ratée, et une
cheville douloureuse ne m’a pas rassuré du tout Jeudi lors du dernier
entrainement light.
J’ai l’esprit revanchard, de nouvelles chaussures et de la
nourriture non solide, c’est déjà ça, mais je ne suis pas sûr d’avoir les
moyens de mes ambitions.
Départ 6h. Les conditions météo s’annoncent pénibles,
d’ailleurs les premières gouttes de pluie commencent à tomber 1 minute avant le
départ.
Comme d’hab’, je pars parmi les premiers et me cale ensuite
à mon rythme. Tout le monde a l’air bien énervé ce matin parce que je me
retrouve autour de la 30è place au-moins.
Confirmation : la cheville gauche me fait mal sur
certains appuis, ainsi que ce fichu doigt de pied, gauche aussi, qui me
gène depuis des mois sans que je comprenne ce qui ne lui plait pas.
J’essaie de les protéger en descente, j’espère du coup que
je ne crée pas des déséquilibres qui me pénaliseront plus tard.
Je n’ai pas de super sensations non plus.
Ravitaillement du 15è, je ne m’arrête pas.
Ravitaillement du 24è, je ne m’arrête pas.
Il pleut sans discontinuer, alternance de pluie fine et de
bonnes averses.
Je gère calmement la très longue montée sur le premier
sommet de Lure, m’arrête 200m sous le sommet pour mettre ma veste sous mon
imperméable. J’espère que ça va suffire, mais j’ai un gros doute. Elle est un
peu fine cette veste, je n’ai pas pris de gant, et sur les crêtes il fait 3 ou
4°C, avec de la pluie et un vent à 60km/h…le ressenti est négatif.
On passe au sommet et on redescend assez rapidement sur
le ravitaillement du 33è: pas de quoi prendre cher, mais on a un aperçu de ce
qui nous attend maintenant et pour une petite dizaine de km, donc pendant plus
d’1h…
…Donc on remonte sur les crêtes pour prendre cher…et sans
surprise, on prend cher. C’est l’apocalypse là-haut.
Des concurrents du parcours de 44km sont en tenue hivernale,
d’autres sont descendus de quelques mètres et se sont mis sous leur couverture
de survie, c’est la débandade.
En short, avec une veste trop fine et sans gants ni
couvre-chef, je suis transi de froid et ai les mains complètement engourdies,
j’ai les cuisses toute rouges.
Néanmoins, je vais vivre pendant 1h et quelques un moment
assez unique :
J’ai les jambes légères et me permets même d’accélérer pour
passer moins de temps sur ces crêtes.
Je ne tremble pas, j’ai les mâchoires douloureuses tellement
elles sont crispées, j’en peine à ouvrir la bouche.
J’ai l’impression que mon esprit a ordonné à mon corps de
faire abstraction de l’environnement extérieur, et de se mobiliser vers un seul
but : passer, coûte que coûte.
Hallucinant : me viens en tête la chanson de Cali
« C’est quand le bonheur »
Les éléments se déchainent autour de moi et je suis bien,
dans un autre monde. Etanche. C’en est presque perturbant.
…Mais faut pas pousser quand même, je suis bien content de
perdre de l’altitude après les antennes de Lure.
On redescend au ravitaillement du km 44et là je me rends
compte des dégâts que ces conditions ont faites. Une salle a été mise à
disposition, qui se retrouve littéralement bondée de participants frigorifiés,
certains encore sous leur couverture de survie. Je demande une boisson chaude,
mais il n’y en a plus pour l’instant tellement la demande est importante.
Tant pis, je fais quelques assouplissements, prends quelques carrés de chocolat, et repars. 5 minutes d’arrêt. Je repars 20è.
On se retrouve à l’abri du vent en perdant de l’altitude,
par contre je dois faire passer les crampes, séquelles du froid, qui
apparaissent dans mes mollets à tour de rôle. Un concurrent devant moi
s’écroule en grimaçant de douleur.
Descente très longue, pour une fois je réfléchis un peu et
je n’en fais surtout pas trop. Je dois m’économiser, la route est encore longue
et la débauche d’énergie là-haut a dû être énorme.
On arrive au ravitaillement du 53è, en salle également. Là
il y a beaucoup moins de monde, j’en profite pour m’allonger sur le sol et
m’étirer le dos.
Je suis envieux d’un des concurrents, qui a une assistance
et à qui on donne de quoi se changer intégralement, chaussettes et chaussures
comprises.
5 minutes d’arrêt, et c’est reparti…lui sec, moi mouillé.
Jusqu’au ravitaillement du km66, beaucoup de mono-traces,
bien boueuses, dans lesquelles l’allure est particulièrement lente et
énergivore. Je ne savais pas que c’était aussi Mud day aujourd’hui…
Je ne reprends pas de places, mais je me rendrai compte
ensuite que j’ai réduit les écarts, car j’en gagne plusieurs entre le 66è et
l’arrivée, sur des chemins que je connais bien pour les avoir parcourus en
boucle au mois de Mai.
Je me débarrasse dans les 4 ou 5 derniers km des
concurrents – Mickaël, Nicolas, Mélanie - qui m’accompagnent depuis un moment,
et finis à la 12è place…et 1er de ma catégorie !
J’attends ces 3-là sur la ligne d’arrivée. Pas besoin de
palabres : quelques mots, un échange de regard intense et une accolade
chaleureuse en disent assez long : on en a bavé, c’est déjà bien d’être
arrivés au bout !
Allez, on finit en musique (voir la pièce jointe):
Au chant et guitare, David
Au saxophone soprano…
A la vidéo, Huyen, 23 Octobre 2021
Nicolas