dimanche 7 novembre 2021

Grand Raid du Ventoux 2021

 

Samedi 18 Septembre 2021

102km – 5400mD+

Laissons le suspens de côté, il s’agit-là d’un échec cuisant, avec un abandon au km 86, alors même que je pointais quasiment depuis le départ en 12è position et que la grande majorité du dénivelé était derrière moi. En cause, des douleurs sous les pieds et aux chevilles qui m’empêchent de courir et presque de marcher.

Tout avait pourtant bien commencé. Parti sur un rythme « à risque », sur la limite, comme d’habitude parce qu’on ne refait pas et que c’est aussi ça qui fait mon plaisir, je campe solidement en 12è position depuis le départ. Excès de confiance ?

Parcours assez roulant avec une majorité de montées pendant les 47 premiers km, au moment où, arrivés presque au sommet du Ventoux, on bascule de l’autre côté. Une grande descente, puis une partie plus technique lorsqu’on traverse les éboulis. La fatigue se fait déjà sentir, mais sans excès, comme cela doit être au bout de 50km.

Arrivé au ravitaillement du km55, là où l’organisation a acheminé notre sac de délestage, j’en profite pour faire le point : j’ai consommé tout ce que j’avais emporté dans mon premier sac, je n’ai qu’à le remplacer par celui que j’ai préparé à l’avance. Je suis fatigué mais pas outre mesure, néanmoins j’ai un peu mal aux chevilles et aux tendons d’Achille, alors je prends les bâtons que j’avais mis dans le sac de délestage, ils me soulageront dans la remontée jusqu’au sommet du Ventoux puis dans la grande descente de 15km qui s’ensuivra. Quelques étirements du dos et des jambes, et je repars requinqué.

Je gère la montée correctement, peut-être un peu trop vite parce que j’encaisse mal la transition avec la descente. Là le terrain est particulièrement technique, avec beaucoup de passages dans les caillasses du Ventoux. J’ai clairement un coup de mou, je m’alimente, prends un gel type « coup de fouet », et fais le dos rond en marchant pour m’économiser. Je me fais dépasser par les 2 concurrents que je vois depuis le départ et que j’avais distancés dans la montée, mais vu la difficulté technique, le temps perdu n’est pas si important.

Le passage à vide ne dure pas trop, tout au plus les 3 ou 4 premiers km les plus compliqués de la descente. Un petit replat sur une piste large me permet de relancer l’allure et de constater que les choses sont rentrées dans l’ordre. Je termine la descente en ayant même repris et re-distancés mes 2 compères. Je pointe au ravitaillement du km76 et refais le point : bien fatigué, mais comme tout le monde ; les pieds et chevilles commencent à me faire souffrir, mais c’est supportable.

Malheureusement, leur état se détériore exponentiellement pendant les 10 km qui suivent, en particulier lors d’un passage en crête bien technique et qui les sollicite beaucoup. La redescente jusqu’au ravitaillement en eau du km 86 devient compliquée, très compliquée.

Le coup au moral est trop gros pour moi ; me revient à l’esprit le spectre du Trail de l’Oisans et du calvaire subi lors des 15 derniers km. Peut-être suis-je mentalement plus tendre aujourd’hui qu’il y a 2 mois, plus fragile, en tout cas je n’ai pas envie de revivre, 2 fois de suite, le même épisode.

Il y a pas mal de bénévoles et d’accompagnants au ravitaillement. Inversement à l’Oisans où j’avais refusé d’écouter les secouristes qui me conseillaient d’abandonner, cette fois on m’encourage, on m’exhorte même à ne pas renoncer. « Tu peux pas arrêter après tout ça, t’es dans les premiers », « t’es tellement loin des délais », « même à 2 à l’heure tu termines largement dans les délais », « pas si près de l’arrivée », etc…

Aux petits soins pour moi, ils me donnent à manger, à boire ; voyant qu’il va leur falloir du temps pour me convaincre de revenir sur ma décision, ils trainent des pieds pour me rapatrier, cherchent des prétextes, me demandent de m’arrêter un moment, 1h s’il le faut, pour réfléchir et pouvoir repartir ensuite. « regarde l’heure qu’il est, tu as tout ton temps ! »

Le problème, c’est que c’est articulaire, et que le temps joue en ma défaveur : plus j’attends et plus le refroidissement raidit mes chevilles, potentialise les douleurs. Je fais quelques essais, mais au bout d’un quart d’heure, je peine à tenir debout ; le simple contact avec mes chaussures est douloureux. La fièvre arrive, je mets mes manchettes, mon coupe-vent, et me mets au soleil, malgré tout je tremble. On me donne 1g de doliprane.

Pour l’anecdote, je ne passe en 13è place qu’à ce moment-là, près de 20 minutes après m’être arrêté.

Pendant encore 40 minutes, les bénévoles vont se relayer pour me faire changer d’avis, allant jusqu’à user d’arguments qui prêtent presque à sourire : « regarde, tout le monde est triste, tu peux pas arrêter ?! ». Je me remets debout de temps en temps, mais c’est de pire en pire.

Je suis encore 16 ou 17è au bout d’1h, au moment de mon rapatriement à Gigondas.

Alors pourquoi ?

  • La forme physique est au top, je n’ai même pas mal aux jambes ce matin
  • Le sommeil, la récup’ également. Toutefois, étais-je suffisamment frais au départ ?
  • Les problèmes de dos sont résolus
  • Apparemment l’alimentation était la bonne
  • Les chaussures étaient neuves, mais ce modèle (la dernière évolution) me paraît moins amorti que le précédent, contrairement aux revendications de Salomon

Le fait de partir « à risque » rend nécessaire le respect de chacune de ces conditions. Tout grain de sable est préjudiciable, et donc le taux de déchet est important. Cette année j’en suis, pour comparer avec une poule de foot, à 1 Victoire, 1 Nul, 1 Défaite. L’âge aidant (= sagesse ??), je ressens le besoin de faire baisser ce niveau de risque, alors comment ?

  • Changer de marque de chaussure…c’est un coup à avoir un gravier au lieu d’un grain de sable, parce que celles que j’ai sont certes insuffisamment amorties, mais ont un chaussant adapté à mon pied très fin
  • Ne plus partir à risque…mais ça fait partie de mon plaisir, de ma motivation, de rechercher ma course idéale. J’y suis déjà arrivé, ça et le fait d’entrer dans un top 15 ou 10 sont addictifs
  • Compte tenu du volume et du type d’entrainement que j’ai, et compte-tenu surtout du fait que le problème qu’il me reste à résoudre est articulaire, me limiter à des épreuves de maximum 10 ou 11h, qui semble le moment à partir duquel le grain de sable devient vraiment problématique

1er élément de réponse au THP, à Forcalquier, le 30 Octobre. 78km, j’en aurai pour 10h environ. Je tenterai de partir un peu plus mollo, les chaussures seront les mêmes (ça coûte cher des chaussures) et je verrai dans quel état sont mes articulations à l’arrivée.

A+

Nicolas

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