lundi 11 mai 2015

Les aventuriers du Bout de Drôme

111km, 5100m D+

Vincent a terminé à une jolie 13è place, en 17h25. En revanche, je suis désolé pour ceux qui ont suivi un peu le live, mais mon nom a cessé d'apparaître dans les classements à partir du ravitaillement du 82è km, d'une épreuve splendide, bien tracée, organisée de main de maître, dans une ambiance incroyable. Un modèle du genre.

Depuis l'ultra des Cévennes (début Mars), Vincent et moi avons eu des plannings d'entrainement bien différents.
Vincent est resté sur une condition physique similaire, avec toutefois les acquis de l'épreuve précédente.
En revanche, j'ai clairement franchi un palier, avec davantage d'entrainements et des nuits facilitée encore une fois par Julie. Je suis dans une excellente forme, et je m'étonne à chaque sortie de la rapidité de ma récupération.

Nous avons donc prévu de débuter ensemble, et il semble logique que je me détache au bout de 25 ou 30km, mon rythme de base étant en ce moment plus élevé. Vincent verra comment sa fraicheur le fera terminer. De mon côté, il semble pertinent qu'une bonne place m'attende à l'arrivée. En tout cas, à condition de ne pas partir trop vite, je ne vois pas ce qui pourrait m'empêcher de terminer.

Le départ est donné à 3h du matin, la météo s'annonce ensoleillée, pas trop chaude (max 25°C).
Feu d'artifice tiré de la tour de Crest à notre passage (!!).
Nous sommes partis très prudemment, tellement que nous suivons des concurrents vraiment trop lents. La torpeur qui me gagne de manière insidieuse me conduit à oublier de lever la jambe pour passer par dessus un caillou...il est 3h20, et me voila étalé de tout mon long. 
Au moins ça réveille, me fait remarquer Vincent, plein de bon sens aussi tôt dans la journée.
Pas de gros bobo, mais quand même un bon choc au genou dont la douleur me tiendra compagnie toute la journée.

Au bout de quelques km, Vincent me conseille de partir devant, car il est clair que je suis plus rapide.
Je me retrouve donc sans lui beaucoup plus tôt que prévu. Je suis tout de même tracassé par le fait que je n'ai pas du tout la légèreté des dernières semaines. Pire que cela, j'ai même les jambes lourdes dans les montées.

Nous avons convenu d'un code: le deuxième passe un coup de téléphone au premier quand il repart d'un ravitaillement. Sans avoir besoin de répondre, le premier connaît alors l'écart et ajuste en fonction: soit il continue, soit il attend.
Au km 15, je suis reparti du ravitaillement depuis presque 4 minutes quand mon téléphone sonne. C'est suffisant pour que je continue, mais de toute façon je me rends bien compte que je vais devoir gérer dès maintenant. On verra sur la distance parce que les choses peuvent changer, mais je n'ai pas les jambes auxquelles je m'attendais.

Ravitaillement du km 25: je suis arrêté depuis 4 minutes, et m'apprête à repartir quand je vois arriver Vincent. L'écart est donc le même, j'attends.

Et nous voila repartis de concert. Ravitaillement du km 35, j'ai l'impression d'aller mieux, impression confirmée jusqu'au check point du km 48, puis jusqu'au ravitaillement du km 67. Je reste avec Vincent, mais il est visible que je suis plus rapide. J'ai retrouvé mes jambes.

Changement de sac au km 67. Nous avons le plein de nourriture et de boisson énergétique. Connaissant ma tendance à être toujours un peu juste en terme de quantité, j'ingurgite pendant la pause 250 mL d'un bidon de miel additionné d'un peu d'eau (pour que ce soit assez liquide).
Passage (obligatoire) par le contrôle médical, tout est ok pour tous les deux. Je suis prêt rapidement, j'attends Vincent, et nous voila repartis.
Nous sentons bien évidemment la fatigue (normal au bout de 67km), mais tout va bien. Il est midi, nous avons mis 9h pile pour arriver là, ce qui, tout compte fait, est très correct.

Nous avons maintenant une très longue partie montante devant nous : 18 km avec près de 1600m de dénivelée jusqu'au sommet des "3 becs", avec relativement peu de descente.
Les 26 derniers km seront ensuite globalement descendants, avec peu de montées.

Seulement voila, au bout de 5 minutes, 15 marches pour monter sur un pont vont ruiner tous mes espoirs: mon souffle s'emballe, mes cuisses me brûlent. La montée qui s'ensuit m'est très pénible, le petit replat qui vient ensuite l'est encore plus. Le souffle ne se calme pas, les jambes sont de plomb, j'y voit même tourner et je trébuche dès qu'un caillou dépasse un peu trop. Je tombe et me fais mal au coccys, je me tord une fois chaque cheville.
Sur le coup, je ne comprends vraiment pas ce qui m'arrive...une défaillance énorme, étonnante, d'autant plus que je vient juste de m'alimenter beaucoup !!
A posteriori, je pense que cette grosse quantité de miel avalée au ravitaillement, pour bien faire, m'a conduit à une hypoglycémie réactionnelle d'autant plus carabinée. Malgré la prise régulière du reste de l'alimentation et de la boisson énergétique.

Je dis à Vincent d'y aller. Il m'encourage, et je me remets à y croire un peu. Je vais prendre mon temps, ce vilain moment va finir par passer.

Mais rien ne se calme, au contraire. J'ai maintenant l'estomac et les intestins complètement retournés. Je vous fais grâce des détails, mais en gros tout passe dans un seul sens...pas le bon.
Je suis à bout de forces en quelques km, le soleil cogne mais j'ai froid.
Je rallie péniblement le ravitaillement du km 82, au bout de 4h de galère.
Seuls 2 concurrents m'ont dépassé. Assis sur un muret au soleil avec la même tranche de jambon pendant 20 minutes, j'en vois passer d'autres maintenant. Tous m'encouragent.

Il reste un bon raidard de 500m de D+ avant les 26 derniers km descendants, je prendrai mon temps.
Je n'ai pas réussi à me ré-alimenter beaucoup, mais j'ai de quoi faire sur moi, alors je prends mon courage à deux mains, je repars.
Je fais 200 m sur le petit replat qui suit le ravitaillement...et je fais demi-tour, il est 16h30.
Cette fois-ci, j'enlève mon dossard, j'ai mon compte. Plus envie, encore moins envie d'arriver de nuit dans un état lamentable..et pas certain de ne pas faire un malaise au sommet des 3 becs.

Je me fais rapatrier par une voiture, pendant que Vincent termine sur un profil final descendant, dans lequel il retrouve des sensations qui lui permettent de gagner quelques places (13è).

Belle performance pour l'un, belle déception pour l'autre...
Il y aura des jours meilleurs !

Nico

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